Réflexions personnelles sur le télétravail

Une maman assise sur les WC en télétravail, elle a l'air fatigué et énervée. Son fils hurle dans la pièce d'à côté.

C’est avec une certaine ironie que j’entreprends ici l’écriture de cet article sur le télétravail. Il fait presque le lien avec un précédent, traitant d’une anecdote amusante concernant une sainte patronne des réseaux.

Cela n’a pas dû vous échapper, nous sommes en pleine crise sanitaire qui a elle-même débouché sur une crise économique. Cela est due au confinement dans de nombreux pays et notamment en France. Il s’est alors posé une situation inédite, à mon sens, dans l’Histoire du travail. Lequel ?Un arrêt très important de l’activité ou bien la poursuite de celle-ci, via ce que l’on nomme le télétravail.

La mise en contexte du télétravail

Si en France, tout finit par des chansons, tout commence par des débats, et il y en eut quelques-uns sur ce sujet. Cependant, après en avoir visionné certains et lu quelques articles, il faut bien avouer que j’ai été quelque peu déçu de ne pas avoir trouvé une réflexion intéressante sur le sujet.

Au-delà des questions légitimes des conditions et des droits des salariés en télétravail ou bien les dépressions provoquées par l’isolement du salarié  – le team-out, il faut bien des maladies pour tout -, il ne m’a pas semblé voir de réflexions, un peu plus profondes, sur ce qu’est l’essence même du télétravail et ce qui en fait sa spécificité par rapport au travail traditionnel. Qu’est-ce donc que le télétravail et dans quelle mesure diffère-t-il du vrai travail ?

L’étymologie du télétravail

Avant toute chose, il me semble nécessaire de définir les termes que l’on doit employer, afin d’écrire sur un sujet. Dans cette optique, il est bien entendu évident de commencer par définir ce qu’est le travail avant le télétravail.

Je ne résiste pas à l’idée de faire un peu d’étymologie. Le terme Travail provient du substantif Tripalium. Celui-ci désignait, en latin, un instrument composé de trois piliers. Il servait à immobiliser un cheval ou un bœuf pour le ferrer ou le soigner. Il a très vite évolué pour désigner « un instrument de torture », toujours composé de trois piliers. Désormais, vous ferez attention lorsque vous vous définirez comme un bourreau de travail

le symbole de la torture du Tripalium.

Au fil des siècles, il s’est rapproché du sens de labor ou ovre. Il a vu sa sémantique de la torture s’affaiblir vers celle de l’effort. On a cependant gardé une trace de cette idée de torture dans des expressions courantes. Par exemple : « une femme en travail » ou bien « ce souci le travaille ». Aujourd’hui, Travail se définit comme suit : « Labeur, application à une tâche, effort soutenu pour faire quelque chose ; il se dit de l’Esprit comme du corps. » (Académie Française).

L’histoire du télétravail

C’est peut-être cette notion d’effort à laquelle m’ont le plus confronté certaines personnes lors de mes échanges avec eux. L’idée était de dire que le télétravail ne pouvait pas être un vrai travail en raison du confort de la maison. Il est vrai qu’aujourd’hui la majorité de l’activité professionnelle se situe dans les entreprises du tertiaire, petites, moyennes et grandes. Dans la majorité des cas, nous sommes devant un bureau, dans un open-space, près de la machine à café ou proches de nos collègues. Il est assez rare de ne pas faire l’effort de prendre les transports en commun pour s’y rendre.

Pourtant, historiquement, le travail n’est pas forcément quelque chose de lié à la présence en entreprise. Même si ce mode de fonctionnement est attesté depuis le XVIe-XVIIe siècle, il ne se démocratisera qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Pourquoi ? Car elles n’auront plus l’obligation d’être créées par décret royal. Auparavant, chacun travaillait à son champ, son atelier ou à son étude, avec éventuellement quelques compagnons, apprentis ou commis. Quant au transport au commun, ce n’est que très récent. Par ailleurs, le lieu de travail ne définit pas le travail, il est fonction du travail que l’on doit effectuer.

Des peintures du travail au Moyen-Age.

Passé cette idée de confort tout relatif, que nous reste-t-il ? Le moyen employé à savoir l’outil informatique, qui a permis une plus grande connectivité et collaboration. Cependant, à part sur le plan des innovations techniques, le travail effectué reste le même que celui effectué sur site. On continue de rédiger nos documents, on produit notre code, on envoie ses mails. Finalement, on ne devrait pas parler de télétravail, mais de travail à domicile. La télétransmission des données et du travail se fait depuis longtemps derrière les bureaux des entreprises. Nous avons avancé dans le confort de leur utilisation, mais la nature reste la même. Lors d’un travail à domicile, la personne est simplement plus isolée.

Des sentiments mitigés

Cela n’a d’ailleurs pas manqué, nous avons entendu des gens nous expliquer les risques d’un tel isolement. Un travailleur sans ses collègues subirait un gros risque de dépression, de team-out (le nouveau burn-out). Je ne crois pas vraiment dans ce risque, ou plutôt, je le nuancerais. Il y a effectivement un isolement du salarié par rapport à la société de collègues et de travailleurs. Un homo laborens – une personne qui n’a que le travail comme moteur d’existence – , ressentira cette pratique comme un isolement. Mais l’être humain peut aussi aborder le social par d’autres biais : la famille, les amis, les voisins… Acheter à emporter aux restaurants pour les soutenir et faire connaissance, cuisiner en famille, lire, etc. Ici, le social n’est pas supprimé, il change juste de hauteur ou d’échelon.

Alors, si le télétravail ne change pas fondamentalement nos tâches quotidiennes, pourquoi ce sentiment étrange ? En définitive, et ce n’est que mon avis, l’angoisse et le questionnement liés à cette affaire, repose sur le fait que nous avons oublié ce qu’était la sédentarité professionnelle. Dans un monde où le nomade est privilégié – réseaux sociaux, déplacements simplifiés… -, beaucoup d’entre nous n’ont plus l’habitude d’être immobiles. Nous avons aujourd’hui un besoin de mouvements, d’actions, voire de frénésie, comme avant la crise du Covid.

Au bureau, nous étions supposément dans l’agir total. Soit de manière véritable : par les tâches effectuées, soit par l’impression : prise des transports en commun, émulation des collègues, bruit…

Ainsi, le travail à domicile a peut-être redonné son sens véritable au travail, au métier, et pourquoi pas mis en relief la vie et les gens qui nous entouraient. Pour la majorité d’entre nous, cela a même permis d’augmenter leur efficacité et leur rapidité dans la réalisation des tâches. Mais aussi, de réduire leur stress, de mieux organiser leur temps de travail (voir cette étude). Il paraîtrait judicieux, de penser à instaurer un rythme de semaine, avec certains jours à distance et d’autres sur site.

En conclusion

Attention toutefois à ne pas se complaire dans le travail à domicile. Il s’agit, non pas d’une révolution, mais d’une autre modalité de travail. S’il n’y a ni mal, ni culpabilité à ressentir à travailler à domicile, nous ne devons pas oublier que nous sommes des animaux sociaux. Il est nécessaire de garder le contact et de prendre des nouvelles de ses collègues. Ne pas être un léthargique social envers ses collègues, voilà peut-être la clé. Organisez des événements en ligne, peut-être même du team building à distance, afin de ne pas perdre l’unité sociale qui nous définit, nous et nos collègues.

En définitive, cette mise à distance forcée, est une bonne occasion pour nous tous de repenser nos notions de temps et d’espace de travail, de bien mesurer la place que nous devons accorder au travail sur site ou à distance, afin de jouir de tous les aspects positifs de ces deux modalités.

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